FRE2123H-S

Passer la frontière sociale : la figure du transclasse dans la littérature (XIXe-XXIe siècles)

Horaire

mardi 10h à midi

Instructeur

A. Laumier

Endroit

Veuillez nous contacter.

Salle

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Description

C’est dans Les Transclasses ou la non-reproduction, paru en 2014, que la philosophe Chantal Jaquet forge le terme de « transclasse » pour désigner celles et ceux qui font l’expérience du passage d’une classe sociale à une autre. Dans cet ouvrage qui a fait date, les personnages de Julien Sorel (Le Rouge et le noir), d’Eugène de Rastignac (La Comédie humaine), l’auteure Annie Ernaux ou encore le sociologue Didier Éribon apparaissent comme autant de représentants de cette catégorie. Si la figure de l’« arriviste » et celle du « transfuge » semblent ici réunies, qu’en est-il en littérature ? Qu’est-ce qui les distingue ? Comment sont-elles reliées ? Comment chacune d’entre-elles a-t-elle accompagné l’émergence et le succès de certains genres et formes littéraires ? Ce cours cherchera à mettre en regard le personnage de l’arriviste, que l’on rencontre chez Stendhal, Balzac et Maupassant, et la figure du transfuge qui, depuis la fin du XXe siècle, se fait de plus en plus présente en littérature. Alors que les romans du XIXe siècle se concentrent sur les motifs de l’ascension et de la chute, du pouvoir et de l’argent, les récits des deux siècles suivants, souvent autobiographiques, s’intéressent davantage à l’expérience du déplacement culturel et de l’écartèlement entre deux mondes ; au sentiment de honte ou à celui d’une inéluctable trahison. Dans plusieurs de ces œuvres, la littérature se donne alors pour mission de dévoiler les mécanismes de la domination et de la reproduction sociales. Cerner les différences entre ces deux figures impliquera ainsi d’étudier leurs contextes historique, politique et socio-économique respectifs. Mais il nous faudra également analyser les modalités de leurs représentations en littérature (genre, dispositif narratif, travail sur la langue, scènes et motifs récurrents) ainsi que leur lien avec l’histoire des formes littéraires et leur réception (développement et accession à la reconnaissance du roman au XIXe siècle, genre lui-même « arriviste » ; émergence, à la marge du roman et de l’autobiographie, de récits personnels dans la deuxième moitié du XXe siècle brouillant pour certains les frontières entre les genres et les disciplines ; succès, voire canonisation des récits de transfuges au XXIe siècle). Enfin, la « polyphonie » qui habite ces œuvres, mettant souvent en tension différentes formes de français (langue de la « maison », langue de l’école, langue littéraire), sera l’occasion d’analyser la dimension plurielle de la langue et ses enjeux sociopolitiques.

Corpus d'étude

1) Œuvres complètes

Camus, Albert, Le Premier homme [1994], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1996.
Ernaux
, Annie, La Honte [1997], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2003.
Louis
, Edouard, Changer : Méthode [2021], Paris, Points, 2022.
Harchi
, Kaoutar, Comme nous existons [2022], Arles, Actes Sud, coll. « Babel », 2023.

2) Autres textes (lecture d’extraits qui seront fournis aux étudiants)

Balzac (de) Honoré, Le Père Goriot [1835], Paris, Le livre de poche, 2004.
______, Les Illusions perdues [1837], Paris, Le livre de poche, 2004.
Maupassant (de) Guy, Bel Ami [1885] Paris, Le livre de poche, 1979.
Stendhal, Le Rouge et le Noir [1830], Paris, Le livre de poche, 1978.